Un département moins connu mais essentiel
L’usine la plus moderne ? C’est peut-être Aston Martin F1 qui la possède désormais. Nouveau simulateur, nouvelle soufflerie, nouveau campus : Lawrence Stroll, quoi qu’on en pense, a transformé une équipe en faillite (Racing Point) en équipe high-tech.
Reste désormais, bien sûr, à concrétiser ces installations sur la piste. Mais avec le renfort d’Adrian Newey, Aston Martin F1 semble avoir toutes les armes désormais, sur le papier du moins, pour performer.
Ben Fitzgerald, le directeur des opérations, qui supervise la production de chaque pièce des Aston Martin F1, voit aussi sa tâche quotidienne être facilitée – soit la livraison en temps et en heure des centaines de milliers de pièces que comprend une F1.
En quoi le nouveau campus a-t-il pu faciliter ses opérations cet hiver ? Et en quoi ce département un peu oublié mais essentiel, celui de la production, peut concrètement aider à trouver des dixièmes sur la piste en facilitant le développement aérodynamique ?
« La construction de la voiture est toujours une période intense pour toute équipe de F1, car c’est le moment où se concrétisent de nombreux développements du véhicule et de multiples collaborations fonctionnelles pendant l’hiver, » nous confie-t-il.
« Notre PDG Andy Cowell nous a lancé le défi de gagner du temps sur les processus d’ingénierie et de fabrication afin de laisser davantage de marge au département aérodynamique pour travailler sur ses conceptions, qui ont commencé à être livrées en octobre dernier. »
« Nous avons ainsi généré environ 85 semaines de temps supplémentaires en étendant notre capacité d’ingénierie et de fabrication — une véritable évolution par rapport aux années précédentes. »
« Pour la première fois, nous avons également livré deux voitures complètes pour les essais hivernaux. Aucun défaut mécanique à Bahreïn — un témoignage de notre bonne préparation et qualité de production — et nous avons livré un troisième châssis à temps pour le Grand Prix d’Australie. »
« Nous avons produit 75 % de nos pièces en interne, soit une augmentation de 7 % par rapport à l’an dernier. En février, notre rythme de production atteignait 3 666 pièces par semaine. »
L’hiver est une période très chargée pour le département production, mais le début de saison l’est tout autant, poursuit Ben Fitzgerald.
« À cette période de l’année, la priorité est de produire en quantité les pièces dont l’équipe a besoin pour les essais et les premières courses. Pour l’Australie et la Chine, le plus grand défi était de garantir une quantité suffisante pour toutes les options du véhicule. »
« Nous aimons disposer d’au moins quatre exemplaires de la plupart des sous-ensembles de pièces d’ici la première course, et augmenter encore cette quantité pour la suivante. Par exemple, pour l’Australie, nous avions quatre ailerons avant, pour la Chine cinq, et pour le Japon nous en aurons six. »
« Bien sûr, nous avons aussi des évolutions prévues cette année, donc notre défi est de livrer ces pièces à temps tout en permettant à l’équipe de disposer d’assez de pièces sur chaque course avant que la chaîne d’approvisionnement et la fabrication ne se tournent vers les nouveaux designs. »
Quels sont les plus grands défis sur une saison de 24 courses ? Et en quoi le règlement sur les budgets plafonnés peut-il perturber le travail du département production ?
« Une fois le seuil minimal de pièces atteint, nous commençons à rationaliser la quantité par rapport au coût. »
« Si nous construisons six jeux de suspensions pour la première course et que, par la suite, la stratégie de réglage change, nous devons atténuer l’impact sur le plafond budgétaire afin de préserver des ressources pour le développement. »
« C’est pareil lorsqu’une directive technique est émise par la FIA. Par exemple, une arrive pour le Grand Prix d’Espagne sur l’élasticité des ailerons avant. Il faudra produire un design conforme, rendant l’ancien obsolète. Nous devrons donc constituer un stock du nouvel aileron. »
« C’est ce que nous devons anticiper constamment. »
« Mais cette année, en plus de jongler entre quantité, plafond budgétaire et évolutions, nous devons également prendre en compte les capacités disponibles sur le campus technologique AMR pour l’AMR26… »
Les premières pièces de la voiture de l’an commenceraient-elles à être déjà assemblées chez Aston Martin F1 ?
« Le département aéro travaille à la fois sur 2025 et 2026. En ingénierie, la priorité reste sur les évolutions de début de saison pour l’AMR25. »
« Lorsque les premiers designs aéro 2026 passeront en ingénierie, et que les preuves de concept deviendront des pièces à produire, là, le basculement vers 2026 s’accentuera. Je dirais que nous en sommes à huit ou dix semaines de cette transition. »
« Côté production, nous fabriquons déjà des châssis conceptuels pour 2026. Le moule de la coque arrière carbone est en cours d’usinage et nous commencerons le laminage d’ici cinq semaines environ. »
« Les carters de boîte de vitesses sont déjà bien avancés, et le banc d’essai de boîte tourne sur notre campus. »
La nouvelle soufflerie, un game-changer pour Aston Martin F1
Ben Fitzgerald s’est ensuite exprimé sur la nouvelle soufflerie de l’équipe : en quoi cela représente-t-il une révolution pour Aston Martin F1 ?
« Le lancement de la nouvelle soufflerie est un tournant majeur pour nous. »
« Avant, nous utilisions la soufflerie de Mercedes, ce qui imposait de planifier les tests entre vendredi et dimanche, et d’utiliser la semaine pour ajuster ou recréer des éléments. »
« Maintenant, nous conservons le même quota de passages (selon notre classement au championnat), mais nous pouvons entrer et sortir de la soufflerie selon notre propre stratégie, définie par Eric Blandin et l’équipe aéro. »
« Pour la première fois en vingt ans, toute l’équipe est réunie sur un seul site : aérodynamiciens, techniciens de modèles, fabrication additive, soufflerie. La collaboration interservices, déjà forte, va encore s’intensifier en étant tous sous le même toit. »
« Il faudra un peu de temps pour optimiser la soufflerie, mais elle est déjà opérationnelle et les données sont excellentes. C’est un énorme pas en avant. »
« Un exemple parlant : nous avons multiplié par 3,5 notre volume de production de pièces tout en améliorant la qualité et en réduisant les coûts de 33 %. Et avec l’augmentation de notre internalisation, la valeur opérationnelle continuera de croître. »
Une réactivité accrue en week-end de Grand Prix
Enfin, en week-end de Grand Prix, Ben Fitzgerald peut-il en dire plus sur le rôle du département production ? Est-ce une période plus calme ou au contraire plus chargée ?
« Avant chaque Grand Prix, il y a deux priorités : livrer les pièces nécessaires — évolutions ou spécificités du circuit — et répondre aux besoins issus de la course précédente. »
« Je surveille toujours ce que l’équipe des opérations doit livrer : résilience informatique, quantités de pièces, qualité… »
« Il faut aussi réagir rapidement aux dommages subis la course précédente, notamment lors des doubles ou triples courses. »
« C’est la réalité du sport : nous allons subir des dégâts, comme avec le crash malheureux de Fernando en Australie. Il faut produire les pièces de remplacement, gérer le budget, tout en maintenant le développement futur. »
« C’est un exercice d’équilibre permanent, mais que nous maîtrisons, et nos voitures sont toujours prêtes à rouler dès le début du week-end. »
Personne aux USA ’ne savait ce qu’était’ la F1 quand Speed y courait
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Aston Martin F1 Team